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Russie / USA – V.F.

22 février 2020

En cette fin d’année 2019 est sorti un long documentaire biographique sur Mikhail Khodorkovsky. Il est plus que probable que ce nom ne vous est pas familier. Ce n’est pas anormal, car il existe peu de motifs pour s’intéresser à la vie politique de la Russie post URSS. Cela dit, l’arrivée d’un politicien atypique à la Maison Blanche, politicien qui, pour rester poli, cire sans bonnes raisons apparentes les pompes de l’actuel président de la Russie, cette relation entre ces deux politiciens m’aura poussé dans la salle où est projeté le documentaire « Citizen K« .

Ce film financé par Amazon, la société de Jeff Bezos, l’homme le plus riche des USA, est une défense de Mikhail Khodorkovsky. Ce documentaire est aussi une réjouissante mise en accusation de Vladimir Putine et de son régime.

Petit retour en arrière

Les régimes autocratiques, soviétique en URSS, nazi à partir de 1933 en Allemagne, fasciste en Italie musolinienne, dans ces régimes la négation des contre-pouvoirs offre le confort de l’absence de critique et ou de sanction. Ces régimes se rêvent éternels. Heureusement avec l’usure du temps, par le biais d’une défaite militaire décisive ou d’un renversement institutionnel, l’éternité rêvée montre ses limites.

En fin 1989, la chute du Mur de Berlin annonce la fin du mythe de la marche vers le Communisme à travers la dictature du prolétariat. Le Marxisme-Léninisme ne faisait plus rêver, le secrétaire général du PC de l’URSS l’avait compris. Il a ouvert une transition souhaitée pacifique vers une démocratie plus conforme aux aspirations des peuples de l’Europe de l’est. Si au départ cette transition semblait pouvoir évoluer progressivement sous la conduite de Mikhaïl Gorbatchev, les tenants de l’ancien régime soviétique ont tenté un coup d’état militaire qui aura mis un terme à une transition que l’on espérait progressive vers une démocratie apaisée.

La mise en échec de ce putsch militaire liée à la faiblesse apparente de Gorbatchev, auront poussé sur l’avant scène un populiste carriériste du PC, Boris Eltsine. Ce dernier profitera de la faiblesse de Gorbatchev pour prendre le pouvoir et il lancera, sans aucune retenue, la privatisation de l’économie. La méthode choisie, méthode qu’il est impossible dans le cadre de cet article de décrire, cette méthode donc aura permis à un nombre restreint d’aigrefins du sérail de détourner à leur profit les bons de privatisation offerts au public. Cette phase de privatisation, incontrôlée par les organes démocratiques, concentrera dans les mains de quelques oligarques l’ensemble de l’économie profitable de l’ex URSS. Mikhail Khodorkovsky est l’un de ces gangsters qui, à travers la banque qu’il a créée, a pris le contrôle que la société pétrolière YUKOS.

Le documentaire Citizen K première partie

La première partie du documentaire décrit la montée en puissance de Mikhail Khodorkovsky sans cacher les aspects mafieux de son ascension. Le documentaire tente ensuite de légitimer cette captation de richesses en soulignant les modes de gestion de Mikhail Khodorkovsky. Cette gestion avait pour objectif de donner à la société YUKOS une forme de management conforme aux canons capitalistes occidentaux. Les aléas du prix du pétrole, ont offert aux dirigeants de la société une voie qui leur a ouvert l’entrée dans les marchés boursiers occidentaux. Cette introduction aura valorisé la société à une valeur élevée et ainsi permis à Mikhail Khodorkovsky, l’actionnaire principal, de devenir l’homme le plus riche de la nouvelle Russie.

Pendant que Mikhail Khodorkovsky renforçait sa société et sa fortune, Vladimir Putine, en utilisant sa position à la tête de l’état russe, s’enrichissait en achetant à bas prix, via des sociétés écran, des droits d’extraction de pétrole qu’il revendait au prix fort.

Profitant de son immense richesse, Mikhail Khodorkovsky choisit d’entrer en politique par la porte de l’économie. Ayant créé sa fortune dans une jungle mafieuse, il souhaite se donner une image de défenseur de la démocratie et de champion de la lutte anti-corruption. En fait, en offrant une alternative politique plus morale, il tente de s’ouvrir une voie vers une prise de pouvoir démocratique et renverser la mafia qui gravite autour de Vladimir Putine.

Sûr de son fait, pensant disposer du soutien de l’opinion publique, il attaque le pouvoir de front. C’est alors que la narration bascule. Putine qui tient en main la justice de l’état russe emprisonne Khodorkovsky pour fraude fiscale et en profite pour s’approprier YUKOS. La mise à l’écart de Khodorkovsky dans les prisons sibériennes durera neuf années. Il sera libéré et expulsé vers l’Allemagne sous la pression d’Angela Merkel mais aussi, et probablement surtout, pour soigner l’image du Kremlin à l’occasion des Jeux Olympiques de Sotchi.

Le documentaire Citizen K seconde partie

La seconde partie du documentaire est essentiellement filmée à Londres. Elle consiste en une longue interview de Khodorkovsky dans laquelle il expose son objectif de renverser la kleptocratie de Putine pour la remplacer par une démocratie. En choisissant de financer les personnes et groupes d’opposition à Putine, Khodorkovsky se donne le beau rôle de l’humaniste défenseur de la démocratie. Incidemment il explique que sa fortune personnelle le lui permet, que cet objectif est juste, pour ne pas dire vertueux. Comme il est à la fois riche et patient, Khodorkovsky exprime sa certitude qu’en fin de compte l’histoire lui donnera raison.

Et l’Amérique dans tout ça

En cette fin février 2020 l’Amérique vit, comme tous les quatre ans, la fièvre de la campagne pour l’élection présidentielle. L’actuel président, président dont le mode de gouvernance populiste corrompue ressemble à s’y méprendre à celui de son homologue du Kremlin, trouve sur son chemin un milliardaire self-made man, Michael Bloomberg. Celui-ci dépense sans compter ses deniers personnels en vue d’obtenir la nomination du parti Démocrate. Si au jour de la rédaction de cet article Bernie Sanders, un social démocrate (au sens européen) un socialo-communiste (au sens de la droite US), tient la corde de la nomination, l’élection de novembre pourrait bien voir s’opposer un ex milliardaire failli à un vrai milliardaire qui aura réussi à acheter l’accès à l’élection.

Tant pour la Russie que pour les USA, il n’est pas rassurant de penser que l’argent se cache derrière la défense de la démocratie, même si les deux oligarques Khodorkovsky et Bloomberg font montre de vertu, cet argent devient l’unique moyen d’accéder au pouvoir. Cela dit, la France, malgré une loi qui limite les budgets des campagnes électorales, n’est pas exempte de reproches. Les comptes de campagne d’un ancien président ont été refusés par la Cour des Comptes, le président fautif n’a toujours pas été sanctionné.

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